Genius, le film

Aujourd’hui, je te parle de… cinéma ! Mais il ne s’agit pas de n’importe quel film, puisqu’il aborde l’écriture et l’édition.

Cela fait déjà quelques temps que je suis allée voir Genius, et maintenant que je trouve enfin un petit moment pour t’en parler, il ne doit pas rester beaucoup de séances pour aller le voir… Alors, si ça t’intéresse, tu n’as plus qu’à foncer sur Allociné pour vérifier s’il passe encore près de chez toi  😉

De quoi ça parle ?

Genius raconte l’histoire vraie de Thomas Wolfe, un écrivain américain des années 1920 qui se voit refuser son manuscrit par tous les éditeurs new-yorkais, jusqu’à ce que celui-ci tombe entre les mains de Maxwell Perkins, éditeur entre autres des talentueux Scott Fitzgerald et Ernest Emingway. Perkins décèle le potentiel de Wolfe mais décide de retravailler son texte en profondeur, en effectuant notamment de très nombreuses coupes, car l’auteur est semble-t-il bien trop bavard… Se noue alors entre l’auteur et l’éditeur une amitié singulière, entre collaboration fructueuse et violents désaccords.

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Un film réalisé par Michael Grandage et basé sur la biographie Max Perkins: Editor of Genius de A. Scott Berg. Sorti en France le 27 juillet 2016. Avec Colin Firth, Jude Law et Nicole Kidman.

 

Pourquoi ce film t’intéressera sûrement

Ce film m’a vraiment « parlé » car, au-delà du simple récit des déboires de cet écrivain un peu excentrique et narcissique, et oublié aujourd’hui (du moins, pour les Français), il aborde de nombreuses problématiques que je qualifierais de « philosophiques » soulevées par l’écriture et l’édition, dont en voici quelques-unes.

Faut-il écrire beaucoup − écrire tous les jours et noircir des milliers de pages − pour être un bon écrivain ? Dans le film, Thomas Wolfe se moque de Fitzgerald qui n’écrit pas régulièrement, et lui dit qu’il ne restera rien de lui s’il écrit aussi peu… Un passage ironique qui interroge aussi l’aspect de la postérité : aujourd’hui Scott Fitzgerald est bien plus connu et étudié en France que Thomas Wolfe. D’ailleurs, les meilleures œuvres sont-elles, comme l’affirme Wolfe, autobiographiques ?

5000 pages long
Quand je vous dis que l’auteur est bavard…

Et, problématique importante pour moi car assez peu traitée au cinéma en général (je pense) :  l’édition. Quelle est la légitimité de l’éditeur qui fait modifier le texte ? Autrement dit, la littérature n’étant pas une science, en quoi l’éditeur serait plus à même que n’importe qui d’autre de dire que tel passage devrait être réécrit autrement, telle description n’en vaut pas la peine, que le titre est à changer ? D’ailleurs, Perkins se pose clairement la question : l’éditeur rend-il une oeuvre meilleure, ou juste différente ? Altère-t-il le style de l’auteur ? Jusqu’où faut-il retravailler une œuvre ?

imagesAutre question : un livre est-il avant tout une œuvre ou un produit marketing ? On voit par exemple dans le film que le titre du premier roman de Wolfe (Look Homeward, Angel) n’est pas celui que l’auteur avait donné initialement à son manuscrit. L’éditeur a demandé à ce qu’il soit changé, et ce nouveau titre participe clairement du succès du roman. Or, pour moi, changer le titre, c’est changer l’œuvre : il donne une toute autre dimension au texte en créant un horizon d’attente différent chez le lecteur [Un jour, je ferai peut-être un article sur l’horizon d’attente du lecteur, dis-moi en commentaires si cela t’intéresse !]. Alors, de manière générale, l’éditeur choisit-il un titre qui définit au mieux l’œuvre pour mieux la révéler et créer le « bon » horizon d’attente qui fera en sorte que le livre trouve son lectorat, ou choisit-il plutôt un titre accrocheur fait pour « attirer le chaland », comme dans les domaines de la publicité ou du commerce ?

Et pourquoi l’éditeur (à différencier de la maison d’édition), avec toute son équipe, qui travaille d’arrache-pied au travail du manuscrit, devrait-il être à l’arrivée anonyme, se cachant derrière l’unique nom de l’auteur tout-puissant ? Le film nous pose la question, ne serait-ce que par son titre : qui est le véritable génie de cette histoire : l’auteur ou l’éditeur ?

***

Au-delà de toutes ces problématiques très intéressantes, j’ai aussi beaucoup aimé entrer dans les « coulisses » de la vie de l’auteur et de l’éditeur. On les observe tous deux dans leur vie quotidienne, avec tous les aspects pratiques et financiers qu’elle comporte. On prend également conscience du travail titanesque de réécriture d’un manuscrit, phrase après phrase.

Mais, Genius, c’est aussi un film brillamment réalisé, qui nous fait plonger dans le monde de la littératures des années 1920, qui nous en met plein les mirettes !
Un bon film que je recommande à tous les apprentis écrivains, donc.

La bande annonce, c’est par ici
>> http://bit.ly/2aUjBzV <<

Si tu n’es pas encore convaincu(e), tu peux aussi aller lire ici les 5 raisons de penser que le film Genius relève du génie.

Et toi, tu es allé(e) le voir ? Qu’est-ce que tu en as pensé ?

7 réflexions sur “Genius, le film

  1. billet très intéressant ; le film m’a échappé, ou alors il n’est pas encore passé par chez moi.
    Sur la paternité d’une œuvre et la légitimité du retravail, je suis toujours étonné qu’on considère l’écriture comme un travail solitaire (une variante de l’Artiste contre le Monde) alors que dans la réalité les coauteurs-fantômes sont légions, même pour des écrivains reconnus (Dickens faisait écrire par Wilkie Collins des chapitres complets de ses bouquins, qu’il signait tout seul) et que dans le cinéma les scénarios sont travaillé par 25 personnes sans que ça dérange qui que se soit.

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    1. Merci pour ton commentaire Carnets Paresseux 🙂 Je suis bien d’accord avec toi ! Je crois qu’il y a, en France en tout cas, une sorte de mythe de l’écrivain, qui est vu comme un génie solitaire, dont le talent est inné blablabla… Alors que pour moi, l’écriture ce n’est pas de la magie, c’est l’alchimie de plein de choses : de l’inspiration, du talent peut-être, mais surtout du travail (solitaire ou non). D’ailleurs, pour moi, on peut apprendre à mieux écrire, en travaillant : apprendre à construire une intrigue, caractériser des personnages, donner du suspense… Malheureusement, en France, on considère que l’écriture est un « don » qui ne s’apprend pas et c’est pour ça que les cours et formations de « creative writing » restent ici encore assez rares, alors qu’elles sont très courantes dans les pays anglo-saxons…

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  2. Le film m’est totalement passé à côté aussi, soit je ne l’ai pas vu, soit il s’est fait très discret du côté de chez moi… Tu m’as vraiment donné envie d’aller y jeter un œil, surtout que ces problématiques m’intéressent vraiment, que ce soit en tant qu’étudiante en Edition ou en tant que passionnée d’écriture. J’aimerais bien t’entendre parler de l’horizon d’attente des lecteurs d’ailleurs. 🙂

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    1. Oui c’est vrai que le film n’a pas dû être beaucoup médiatisé. Moi aussi je suis (ancienne) étudiante en édition 😉 Ok je note pour l’horizon d’attente, j’ai tout un mémoire de recherche en anglais en partie sur ce sujet, il va falloir que je synthétise (beaucoup) ^^ Et merci pour ton commentaire et ton abonnement au blog !

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  3. Tu m’as vraiment donné envie de voir ce film…
    Quel splendide billet !
    Pour l’écriture, c’est vrai, il y a le don, le travail, l’inspiration.
    mais pour l’édition, il faut seulement avoir soit une chance énorme, soit un carnet d’adresse en béton.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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